Un voyage en Anjou sous Louis XIII (2 – La Flèche – Brézé – Loudun – Thouars – Doué – Pont-de-Cé)

Poursuivant son périple,  Zinzerling propose de nombreuses excursions aux alentours de Saumur.

La Flèche

La Flèche, ville très bien située sur la Mayenne. Elle est digne d’être habitée par les muses.

Henri-le-grand, qui l’avait pour lieu de prédilection, l’a dotée d’un palais magnifique qu’il a concédé aux jésuites pour leur servir de collège. L’édifice est énorme, l’église admirable. Il suffirait à contenir trois rois avec toute leur suite. Dans la chapelle au-dessus des degrés de l’autel, tu vois un petit coffre d’or ou doré en forme de coeur, dans lequel on conserve le coeur d’Henri IV. Descends à l’Hôtel des Quatre-Vents, tu y seras bien. Tu emploieras un jour pour l’aller, un jour pour le séjour, un jour pour le retour, à moins que, pourvu d’un très bon cheval et quittant Saumur de très grand matin, tu puisse, comme je l’ai fait moi-même, n’employer que deux journées à ce petit voyage. Tu te referas, toi et ta monture, dans la ville de Baugé.

Brézé

Une autre excursion, qui ne te prendra également que deux jours, si tu pars de très bonne heure, te permettra de visiter les localités suivantes :

Le château de Brézé environné d’un grand fossé et d’innombrables cavernes souterraines,et, en conséquence, si la garnison était bien approvisionnée, presque inexpugnable, quand bien même on raserait toutes les tours au niveau du sol. On y montre un jeu de paume dans lequel un des gardes, qui s’était endormi à son poste, tomba d’un endroit assez élevé.

Un élégant jardin est tout proche ; il est remarquable par la quantité de cyprès qu’il renferme.

Loudun

Répare les forces de ton coursier au moyen d’une modique provision de foin et d’avoine, afin qu’il puisse te mener à Loudun, ville qu’on croit avoir été fondée par Jules César. Prends pour mentor un homme excellent et nullement dépourvu d’instruction, je veux dire Monsieur de Peyrat, qui était mon hôte lorsque je voyageais de ce côté. Il aime fort les étrangers et satisfera ta curiosité sur tous les points qui t’intéresseront.

On estime beaucoup ici du pain coloré avec du safran, que rapportent à leurs enfants ou à leurs amis ceux qui viennent des villes voisines à Loudun pour leurs affaires. On vante aussi les poules de Loudun qui sont très grandes et en nombre infini dans tout le territoire de la ville.

Thouars

Après avoir dîné ici,  tu pourras, le soir du même jour, partir pour Thouars, ville située sur une colline et appartenant au prince de la Trémouille. Tu consacreras deux ou trois heures de la matinée à visiter toute la cité et son magnifique château, dans lequel on trouve un verger délicieux.

Doué

Ensuite, après avoir vu en passant le jardin du Prince, situé environ à une lieue, tu te rendras à Doué, bourg qui atteint les dimensions d’une ville.

Amphithéâtre curieux

Tu y verras un amphithéâtre de vingt-deux degrés, creusé dans la roche, et sans aucune marque extérieure qu’on y ait employé la chaux, le sable ou le bois. Juste-Lipse prétend, dans le petit livre qu’il a composé sur les amphithéâtres construits hors de Rome, que ce lieu fut quelque chose de plus important qu’un bourg, soit d’après ce monument, qui n’est pas un ouvrage médiocre, soit d’après les restes d’une voie antique, menant de ce bourg à Pont-de-cé ; on aperçoit encore de divers côtés des traces de cette voie ; mais les habitants en ont détruit la plus grande partie en utilisant les pierres qui la formaient, pour la construction de leurs maisons. Tout ruiné qu’il est, l’amphithéâtre de Doué sert encore aujourd’hui chaque année à la représentation de comédies.

Si tu n’as pas le temps d’examiner toutes ces choses, il faut du moins rendre une visite à Doué. Tu pourras aller voir le reste lorsque tu seras à Poitiers.

Pont-de-Cé

De Saumur tu descends enfin à Pont-de-Cé, ville avec un château, située dans une île de la Loire. Il y en a qui prétendent qu’elle s’appelait Pont-de-César ; d’autres tirent son nom de l’allemand et l’interprètent par Pont-de-l’Etang, parce que la Loire, s’élargissant beaucoup en cet endroit, y ressemble plus à un étang qu’à une rivière. A une petite lieue de là se trouve Angers, où on a coutume de se rendre à pied après avoir confié son bagage à un porteur. Je désire que tu passes dans cette dernière ville la fin du mois d’août et tout septembre.

 

à suivre…


D’après Voyage dans la Vieille France avec une excursion en Angleterre, en Belgique, en Hollande, en Suisse et en Savoie, par Jodocus Sincerus ( = Justus ZINZERLING), écrivain allemand du XVIIe siècle, traduit du latin par Thalès Bernard, bibliothécaire de l’Union des Poètes, membre de la société littéraire de Lyon, etc. Ouvrage publié dans La France Littéraire de Lyon, Paris, 1859, pp.118 à 121.

Laisser un commentaire